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François Bouron, parcours d'un révolutionnaire vendéen

Dernière mise à jour : 25 mars 2020


Portrait de François-Anne-Jacques Bouron, Charles-Toussaint Labadye, 1790

23 mars 1789, Poitiers. Avec 104 voix, les représentants du Tiers-Etat de la province de Poitou viennent d'élire leur Premier Représentant aux États Généraux, convoqués par le roi Louis XVI pour le mois de mai : c'est le maître François Bouron, avocat originaire du Bas-Poitou, qui dirigera la délégation poitevine du Tiers à Paris. Retour sur le parcours atypique de ce magistrat pendant la Révolution française.


D'avocat à Président du département François-Anne-Jacques Bouron est né le 2 octobre 1752 dans la petite paroisse de Saint-Laurent-de-la-Salle (aujourd'hui dans le sud-est de la Vendée). Son père, Jacques-Armand Bouron (mort en 1787), est avocat du roi à Fontenay-le-Comte ; sa mère, Marie-Anne-Rose Joubert, est issue d'une famille de la haute bourgeoisie de la région. Baptisé le jour même, il a pour parrain un homme de loi fontenaisien, et pour marraine la sœur aînée de sa mère, Anne Joubert. Après lui, ses parents auront quatre autres enfants : François-Paul-Sévère (1757-1767), Jean-Auguste-Victor (1764-1806), Charles-Louis-Armand (?-1795) et Catherine-Rose-Adélaïde (1769-?).


Le 9 juillet 1777, à 35 ans, François Bouron est nommé avocat du roi en la sénéchaussée de Fontenay-le-Comte (représentant du roi lors des procès tenus dans la sénéchaussée). Dix ans plus tard, le 5 septembre 1787, il est nommé représentant de la sénéchaussée à l'Assemblée provinciale du Poitou. En décembre, il publie un traité sur les Moyens de sauver le royaume de la banqueroute, par un ami de son temps. L'ouvrage, qui appelle notamment à la réunion des États Généraux du royaume de France, rencontre un certain succès auprès de la bourgeoisie et de la petite noblesse du royaume. Le 24 décembre 1788, il appelle les élites poitevines à suivre l'exemple de celles du Dauphiné et à se réunir en États Provinciaux, pour réfléchir aux solutions à apporter à la crise que subit le royaume.


Les États du Poitou se réunissent dans la capitale de la province en mars 1789. Dès leur ouverture, François Bouron s'y fait remarquer par ses discours progressistes et il est rapidement élu orateur du Tiers État. Le 23 mars, avec 104 voix, il devient le Premier représentant du Tiers État du Poitou pour les États Généraux du royaume. Cinq autres bas-poitevins accompagnent François Bouron : Louis Lofficial, lieutenant du roi à Vouvant et au bailliage de La Châtaigneraie ; François-Thomas Biaille de Germont, procureur du roi pour les eaux et forêts à Fontenay ; Jean-Gabriel Gallot, médecin à Saint-Maurice-le-Girard ; Séverin Pervinquière, avocat en parlement, bourgeois de Fontenay ; et Jean-François-Marie Goupilleau de Fontenay, procureur de Montaigu. Au total, François Bouron fait partie d'une délégation composé de sept ecclésiastiques, autant de nobles, et quatorze représentants du Tiers État.

Arrivé à Versailles au début du mois de mai, François Bouron s'y fait discret. Il approuve les différentes décisions des États, dont l'abolition des privilèges votée dans la nuit du 4 août 1789. Le 9 août, une lettre l'informe de la situation très critique en Bas-Poitou : la capitale, Fontenay-le-Comte, et diverses cités sont au bord de l'émeute.

"Discours..." de F.A.J Bouron à la Société des Amis de la Constitution de Vendée. A.D.V 81 J 267-4

Se joignant à l'Assemblée Nationale Constituante dès sa création, François adhère en février 1791 à la Société ambulante des Amis de la Constitution du département de la Vendée. C'est devant cette société qu'il prononce son Discours destiné à convaincre les « habitants peu instruits de la campagne » des bienfaits de la Révolution1. Véritable miroir de sa pensée politique, ce discours au titre évocateur souligne les opinions politiques de François Bouron : c'est un révolutionnaire convaincu. Quelques mois plus tard, il devient Haut-Juré de la Vendée devant la Haute-Cour nationale*, aux côtés d'un autre député poitevin, de Biaille-Germon, proche ami de son père et par ailleurs parrain d'un de ses frères.

Le 7 septembre 1792, François Bouron est nommé Procureur Syndic* du département de la Vendée. Deux jours plus tard, son petit frère Charles-Louis-Armand, curé de Saint-Laurent-de-la-Salle réfractaire à Constitution civile du clergé, s'embarque aux Sables d'Olonne en direction de l'Espagne, où il mourra en exil en 1795. Le 28 septembre 1792, François-Anne-Jacques arrive en Vendée. Le 13 janvier 1793, devant la tension qui monte de plus en plus, il ordonne d'envoyer 60 gardes nationaux, 12 canonniers et une pièce d'artillerie en renfort de la garnison de Montaigu. Les événements de mars-octobre 1793 et la guerre civile qui ravage le département le mettent à l'écart, au profit des généraux à la tête des armées républicaines. Le 30 mai 1793, le citoyen Bourron est nommé juge suppléant au tribunal criminel extraordinaire, l'un des principaux outils de la Terreur robespierriste. Devenu Président du département* de la Vendée en janvier 1794 en remplacement du médecin Gallot, avec pour mission de pacifier la région, il donne sa démission en octobre, pour une raison inconnue. Il ne semble pas s'être opposé aux massacres perpétrés par les troupes de Turreau, puisque tous les rapports disent de lui qu'il est un fervent républicain, faisant tout ce qui est son pouvoir pour propager la Révolution2.


Le 11 mai 1800, le gouvernement de Napoléon le nomme juge au tribunal d'appel de la Vendée. Le 3 juin suivant, Louis Bonaparte, ministre de l'Intérieur, le place au conseil de la préfecture du département. Le 12 juin 1804, François-Anne-Jacques Bouron est fait Chevalier de la Légion d'Honneur ; il fait partie des premiers récipiendaires de la prestigieuse médaille (la première remise de décoration a lieu aux Invalides le 15 juillet 1804). En 1806, il perd son dernier frère en vie, Jean-Auguste-Victor, mort « d'un coup de pistolet tiré par lui-même » selon le rapport du médecin. Nommé président de la Cour criminelle de Vendée en 1808, Conseiller à la cour impériale de Poitiers en 1811, il pose sa démission le 1er février 1815, pour raison de santé (il a alors 64 ans). Il est probable que, fervent républicain, il ait refusé de servir Louis XVIII, récemment monté sur le trône de son frère. Il devient cependant conseiller honoraire de la cour royale de Poitiers en 1818. Il se retire ensuite la vie publique.

Vie personnelle

En 1753, Anne Joubert, tante maternelle et marraine de François-Anne-Jacques, avait hérité du château et de la seigneurie de Velaudin. Vieille seigneurie remontant au XIIIè siècle, Velaudin était alors constitué d'un logis construit dans les années 1580 par la famille Prévost, une importante famille de la petite noblesse poitevine. Les terres de la seigneurie s'étendent sur plusieurs centaines d'hectares sur les paroisses de Bazoges-en-Pareds et ses voisines et fournissent des revenus intéressants à ses propriétaires.


Anne Joubert étant morte sans descendance, c'est sa sœur, Marie-Anne-Rose Joubert, qui en hérita ensuite. À la mort de Marie-Anne le 22 juin 1799, c'est le fils de celle-ci, François-Anne-Jacques Bouron, qui devint châtelain de Velaudin. On sait que François-Anne-Jacques résidait déjà à Velaudin avant cette date, puisqu'il y plante un arbre de la liberté en octobre 1793, alors qu'il est procureur syndic du département. N'ayant pas de résidence propre en Vendée, il est probable que François Bouron ait résidé à Velaudin lors de ses passages dans l'administration du département. C'est également dans cette propriété qu'il s'est retiré après 1818. Sa dernière apparition publique a lieu le 23 août 1830, lors du mariage de sa nièce et filleule Renée-Éléonore Perraud avec Paul-Frédéric des Nouhes de la Cacaudière, en l'église de Bazoges-en-Pareds.

François-Anne-Jacques Bouron s'éteint le 1er mars 1832, à l'âge de 79 ans, dans son château de Velaudin, laissant le souvenir d'un Républicain convaincu et impliqué dans la création de la République française.

Façade sud du logis de Velaudin, propriété de François Bouron (privé)

1 Discours prononcé le 16 décembre 1791, à la séance de la Société des Amis de la Constitution du Département de la Vendée, pour détromper et éclairer les habitants peu instruits de la campagne, sur les objections relatives à la suppression du Clergé et de la Noblesse, à la Religion et au poids des nouvelles Contributions,

Fontenay-le-Comte, Société des Amis de la Constitution du département de la Vendée, 1792 ; A.D.V. 81 J 267-4

2 « Liberté, Égalité ou la mort. Au nom de la République française, le représentant du peuple envoyé dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres, […] considérant qu'il importe, pour l'affermissement de la République, de ne conserver dans les autorités constituées que des hommes fermes et énergiques, d'une conduite irréprochable, d'une activité à toute épreuve et d'un patriotisme reconnu, afin de donner au gouvernement révolutionnaire une marche uniforme et rapide, arrête : 1) que le citoyen Gallot, président du département, étant à la réquisition du ministre comme officier de santé, sera remplacé par le citoyen Bouron. […] »

Décret du représentant en mission signé à Fontenay-le-Peuple le 6 pluviôse an II (25 janvier 1794) ; A.D.V. BIB PC 16/11 vue 13


Lexique

*Haute Cour nationale : tribunal créé en 1791 chargé de juger les abus et dérives des ministres et représentants du gouvernement ainsi que les crimes touchants à la sûreté de l'Etat.

*Président du département : il préside (et est désigné par et parmi) l'assemblée départementale composée de 36 citoyens élus chargée de diriger le département

*Procureur syndic : élus par les citoyens dans chaque département et dans chaque districts révolutionnaires, les procureurs généraux syndics (pour le département) et procureurs syndics (pour les districts) sont le lien entre le pouvoir exécutif et les administrations locales.


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