top of page
Photo du rédacteurClément

Vouvant : de Mélusine aux Lusignan

Dernière mise à jour : 25 mars 2020


Mélusine... en Poitou, ce nom résonne encore partout. La fée, mi-femme mi-serpent, était l'épouse de Raymondin, sire de Lusignan. Frappée d'une malédiction dans sa jeunesse, la fée se changeait chaque samedi en serpent : son mari avait juré de ne pas chercher à la voir ces jours là. Mais la curiosité fut plus forte. Trahie, Mélusine s'enfuit. Outre son mariage et ses transformations, on prête à la fée poitevine un grand pouvoir : elle pourrait bâtir des forteresses en une nuit seulement, avec simplement « quelques dornées de pierre et une goulée d'ève » ! C'est ainsi qu'une nuit de 1242 aurait vu la construction de la Tour Mélusine de Vouvant.


De la légende à l'Histoire

En fait, Vouvant est un site fortifié depuis la fin du Xè siècle. De passage dans cette région forestière et giboyeuse, le comte de Poitou et duc d'Aquitaine Guillaume le Grand n'a pas manqué de remarquer tout l'intérêt de ce site, lové dans les méandres de la Mère. Il l'offre à Théodelin, abbé de Maillezais (une autre fondation des Guillaume promise à un brillant avenir). Dès 1019, les moines arrivent ; en 1028, le prieuré est achevé. En 1056, une donation du seigneur de Bazoges vient grossir les biens du prieuré, qui obtient le contrôle des paroisses de Mouilleron et Bazoges.

Parallèlement au développement du prieuré, les Guillaume établissent un point fortifié, d'abord une simple motte de terre surmontée d'une tour de bois. C'est que la région est à mi-chemin entre les terres des Lusignan et des Parthenay, deux vassaux turbulents qui n'hésitèrent pas à s'allier contre les comtes. Vainqueurs les comtes de Poitiers installent à Vouvant une forteresse de pierre au début du XIIè siècle.

Un mariage fit passer le fief de la famille des Chabot à celle des... Lusignan ! Toujours aussi turbulents, les barons n'hésitèrent pas à appeler le roi de France Philippe Auguste à l'aide contre Jean Sans Terre, seigneur suzerain de Vouvant car héritier des Guillaume de Poitiers, avant, quelques temps plus tard, de faire appel à Jean contre Philippe ! Vaincus en 1207 et 1214, les Lusignan virent leurs places, dont Vouvant, occupées par l'ost à la fleur de lys.

Plan des fortifications de Vouvant (©Gilles Bresson)

Mais ces deux défaites n'empêchèrent pas Hugues X de Lusignan de refuser de plier le genoux devant Alphonse, comte apanagiste du Poitou. Il n'en fallu pas plus pour que le frère d'Alphonse, Saint Louis, n'entre en guerre contre eux. Rebelote, le Lusignan Geoffroy la Grand'Dent est vaincu et Vouvant est occupé par l'armée royale. La forteresse subit lors de l'assaut de sévères dégâts. Confisquée par Saint Louis, la seigneurie revint ensuite à Hugues Larchevêque, seigneur de Parthenay. Sur ordre du roi, Hugues fit renforcer les défenses : une nouvelle ligne de remparts fut édifiée, surmontée d'une haute tour ronde de 40 mètres de hauteur : la Tour Mélusine. Mais les nouveaux seigneurs de Vouvant sont tout aussi turbulents que leurs prédécesseurs : Jean Larchevêque, rallié au parti anglais, est écrasé par le Connétable Arthur de Richemont en 1415, et Vouvant revient alors au capitaine breton. Élargie au nord, agrandie au sud pour inclure l'ancien donjon roman, la forteresse de Vouvant compte alors plusieurs kilomètres de remparts.

Entrée dans les fiefs de la Couronne de France, Vouvant va de nouveau subir des sièges lors des guerres de Religion : prise par les Réformés, reprise par les Catholiques, assiégée sans succès par le duc de la Trémoïlle, protestant, la forteresse est gravement endommagée. Le « bourg muré » est érigé en sénéchaussée royale par ordre de Louis XIV en 1698. Mis en adjudication en 1718, le château est abandonné et rasé, à l'exception de la Tour Mélusine et de quelques pans de remparts.

Une Petite cité de caractère médiévale

Puissant donjon rond, dominant la vallée de la Mère de 45 mètres, la Tour Mélusine est le seul bâtiment restant de l'ancienne forteresse des Lusignan. Construite vers 1240, elle était l'un des deux donjons qui protégeaient la cité, bloquant son accès au nord. Divisée en quatre niveaux, dont les deux derniers voûtés en coupole, la tour offre un panorama unique sur la forêt alentour et sur le village.

Le bourg de Vouvant se trouve encore enserré dans ses remparts, encore debout sur 1,5 km. Même s'ils ont été arasés, de nombreuses tours sont encore visibles, principalement sur la face ouest de la cité. Trois portes donnaient autrefois accès à la ville : la porte Bourguerin au nord, détruite, la porte des Moines à l'est, détruite également, et la Poterne, à l'ouest, toujours debout dans un état remarquable. Parmi les tours se dresse encore la tour de la Récepte, au nord de la ville, où étaient perçus les impôts seigneuriaux. Près de la Porte des Moines, la Mère est enjambée par un superbe pont roman, constitué de deux arches romanes et d'une arche gothique.


Mais le joyau de Vouvant, c'est son église Notre-Dame. Les trois nefs de cette superbe église sont édifiées au XIè siècle, et rejointes un siècle plus tard par le chœur et son abside, les deux absidioles et le transept, ainsi que par la crypte situé sous le chœur. C'est dans cette église que Saint Louis entend la messe un jour de 1242. Au XVè siècle, on modifie profondément la façade nord du transept pour lui donner son aspect actuel. Les deux superbes compositions de la Cène et de l'Ascension, dominées par un Christ bénissant, datent de cette époque. Épargnée par les sièges des guerres de Religon, l'église est délaissée par la suite est déclarée par l'évêque de la Rochelle « toute ruinée » en 1656... Restaurée à peu de frais, elle échappe, contrairement à une grande part du bourg, au passage des Colonnes Infernales en 1794. Longuement restaurée tout au long du XIXè siècle, elle doit connaître cette année, pour fêter son millénaire, une campagne de restauration de ses nefs ; un orgue doit aussi y être installé. Notons que si les nefs ne comptent aujourd'hui que trois travées, elles en possédaient six lors de la construction du monument au XIè siècle : les trois dernières ont été fermées lors des restaurations du XIXè siècle et accueillent aujourd'hui des expositions d'art.

L'église Notre-Dame, son chevet, la face nord du transept et le clocher octogonal

Le superbe tympan de la face nord du transept, avec ses sculptures de la Cène, l'Ascension et le Christ bénissant


Petite Cité de Caractère, Plus beau village de France, Vouvant est l'un des phares du tourisme en sud Vendée. Son église, sa Tour Mélusine et son kilomètre de rempart lui confèrent une renommée indéniable. L'évolution de la place forte, de sa construction au XIè siècle à sa mise en valeur touristique en passant par les innombrables sièges et coups de mains qui ont marqués son histoire, est un superbe reflet du passé mouvementé de la région poitevine.


Plus d'infos :

L'église Notre-Dame de Vouvant, paroisse Saint-Christophe des Châtaigniers, 2013

Gilles BRESSON, Châteaux forts de Vendée, éd. D'Orbestier, 2013, p. 94-99

Michel Dillange, Histoire de la Vendée monumentale, Geste éditions, 2012

52 vues0 commentaire

Comments


bottom of page